Lorsqu’ils vont dormir le soir du 13 novembre 1961, les locataires des immeubles de la Stalinallee ignorent encore que le lendemain ils vont se réveiller comme locataires de la Karl-Marx-Allee et que leur station de métro ‘Stalinallee’ sera devenue ‘Frankfurter Allee’.
Ils seront aussi étonnés de constater que la statue en bronze et le socle du généralissime auront disparu comme par enchantement.
C’est pourtant à lui que le quartier doit la reconstruction de la Frankfurter Allee avec ses blocs d’habitation modernes pour l’époque, les seuls de la DDR ayant salles de bain, des cuisines équipée et des ascenseurs.
Le boulevard avait presque entièrement été détruit pendant la guerre. Le 21 décembre 1949, à l’occasion des 70 ans de Stalin, le Kremlin et le gouvernement de la DDR décident de construire une avenue modèle dans le style ‘Sozialistischen Klassizismus’. Longue de 2 km, elle reçoit le nom de Stalinallee mais dans le langage du peuple elle devient la ‘Stalins Badezimmer’ à cause des façades recouvertes de pierres de carrelage.
Avec la fontaine de la Straussberger Platz et les deux tours de la Frankfurter Tor, elle symbolise la grandeur de l’Union Soviétique.
En automne 1961 le mouvement de déstalinisation balaye l’URSS et ses pays satellites et du jour au lendemain toutes mentions, témoignages et représentations de l’ancien tyran doivent être annihilées.
Le soir du 13 novembre, vers 10 heures, le brigadier Gerhard Wolf rentre chez lui du cinéma. Un collègue l’attend et lui indique qu’il doit se rendre avec sa brigade au mémorial de Staline.
Sur place il reçoit l’ordre d’enlever la statue en bronze et de la transporter dans un des halls de la ‘Deutschen Bau-Union’ où elle doit être complètement réduite en morceaux méconnaissables.
L’équipe s’attelle à la tache, un pied de biche fait chuter le dictateur, une grue mobile le hisse sur un camion.
Arrivé dans le hall, Wolf et ses hommes, armés de marteaux pneumatiques débitent la sculpture et à quatre heure du matin, pendant qu’à l’emplacement du mémorial une autre équipe enlève le socle, l’un et l’autre des ouvriers subtilise discrètement quelques fragments du bronze.
Gerhard Wolf escamote une oreille et une demi-moustache.
Stalin a disparu comme s’il n’avait jamais existé.
Le café Sybille, Karl-Marx-Alle 72, est à la fois, un lieu de réunion, une salle d’exposition et un café.
Son origine remonte aux années 50 où il pris le nom de ‘Milchtrinkhalle’, le qualificatif de ‘Milchbar’ sonnait trop capitaliste.
Aujourd’hui on y expose, dessins, photos et mobilier à l’appui, l’histoire de la ‘Grosse Frankfurterstrasse’ devenue ‘Stalinallee’ devenue ‘Karl-Marx-Allee’.