D’aucun nous demandent, les plus discrets se demandent, ce que nous faisons à Paris à longueur de journée, comme si il fallait toujours ‘faire quelque chose’.
Nous aimons simplement être à Paris, ou être tout court, le ‘faire’ vient ensuite ou pas, en fonction de notre curiosité, du hasard de nos lectures, de nos rencontres et des besoins de bricolage inhérent à un bateau.
Notre radio Tivoli ‘Number One’ a souffert d’une infiltration d’eau, elle perd les émissions choisies et nous oblige à tourner régulièrement le bouton de sélection.
Je la remplace par une autoradio Kenwood que je raccorde à l’antenne placée à la tête du mat il y a quelques jours. La mise en place exige de la souplesse car pour faire passer les fils dans les conduits prévus à cet effet dans le compartiment moteur et dans les cales du bateau, je dois me contorsionner comme un homme serpent. Au bout de deux jours de travail, sur le plan du timing George a raison, le Chat Lune bénéficie d’une excellente installation sonore, l’équipage est ravi.
À vous qui caressez l’idée d’acquérir un bateau pour y vivre et pour naviguer, je conseille, si vous n’êtes pas doué pour la chose, de prendre des cours de bricolage tout azimut, avant de signer le chèque.
Les averses de mai mettent les fleuves en crue et rendent la navigation dangereuse; nous avons décidé de rester à l’Arsenal en attendant que la situation se normalise.
La promenade du quai de la Rapée au pont Marie est en partie inondée, les bancs sont immergés et les sacs en plastique verts trempent dans l’eau. Pour ne pas être entrainé sur le quai une péniche a frappé une amarre à l’arche du pont Sully.
Le port est rempli, nombre de plaisanciers font comme nous et attendent de meilleurs jours pour poursuivre leur chemin. Nos amis américains Geneviève et Bill ont du aller s’amarrer dans le bassin de la Villette, au bout du canal Saint-Martin.
Nous allons les saluer et nous profitons pour faire un saut au 104.
L’endroit est en effervescence, le rap est omniprésent, noirs et blancs, hommes et femmes, se convulsionnent au son d’une musique rauque. Certains sont excellents, leurs acrobaties leur ouvriraient les portes d’un spectacle de Patrick Sébastien.
Ci-et-là dans les halls, Keith Haring a posé quelques unes de ses sculptures.
Dans l’Emmaüs local, j’achète pour 2€ un double CD de Miles Davis, notre nouvelle radio permet de tourner des CD, nous n’en n’avons pas à bord et je veux faire des essais.
« L’art est une émotion supplémentaire qui vient s’ajouter à une technique habile ». J’ai trouvé cette définition de Charlie Chaplin sur Internet.
Elle est appropriée à ce que je ressens en regardant les sculptures de Ron Mueck exposées à la Fondation Cartier, boulevard Raspail.
Le travail est remarquable de précision, un film documentaire montre l’artiste à l’oeuvre, la justesse des proportions anatomiques, la véracité des traits, la minutie des détails de la peau des personnages, Mueck maitrise sa technique, tout est juste, de la composition à la rigueur du trait de pinceau qui trace les détails de l’iris de l’oeil.
Pour paraphraser Chaplin, chez Mueck ‘l’art est l’émotion que provoque la technique’. Ses personnages éveillent chez moi des sentiments difficilement définissables, les sur-proportionnés sont vivants, inquiétants, je m’attend à ce que la vieille dame sous le paravent qui délicatement tient le bras de son mari, se lève pour lui enduire le dos de crème solaire.
Les petites figures sont tout aussi puissantes, Gulliver n’est pas loin.
L’homme nu dans la barque respire la solitude et le désespoir. Le bois du canot bleu est usé, la peau du personnage est ample et boursoufflée et son pénis, tout petit, pointe vers l’avant, comme l’aiguille du compas indique le nord.
Ce midi, le Café des Phares sert comme plat du jour, une cuisse de canard confit sauce au poivre vert, à 8,50€ café compris, on embrasse Nadija, la patronne de cette brasserie située 7 place de la Bastille. Excellent rapport prix/qualité, service rapide et aimable, vue sur le génie de la place.