Berlin [2] Le mur, cinquante ans après

Dans le train qui nous mène à Berlin ce matin, voyant que je prenais une note en français, une sympathique Parisienne engage la conversation. Elle n’aime pas les foules et n’a pas envie de s’engager dans les cérémonies prévues à la Bernauerstrasse.

Sa crainte n’était pas fondée; nous sommes étonnés de ne voir qu’une centaine de curieux stationnés dans la rue devant le podium et l’écran géant où Angela Merkel et Christian Wulff délivrent un discours dans lequel ils déplorent la chose, pleurent les victimes et jurent que cela ne se produira plus jamais. Nous ne les écoutons pas mais c’est ce que les politiciens disent dans de telles circonstances.

Aujourd’hui Berlin ‘commémore’ le cinquantième anniversaire de la construction du mur qui coupa la ville en deux.

L’heure de départ fut baptisée la ‘X-Stunde’. Il était une heure du matin, le 13 août 1961, lorsque les soldats et les ouvriers réquisitionnés pour l’opération se mirent à déployer des fils de fer barbelés le long de la frontière. À l’aide de marteaux pneumatiques, ils creusèrent des tranchées et érigèrent des poteaux en béton sur lesquels ils tendirent les fils. Des chars d’assaut se massèrent à quelques endroits stratégiques comme dans les arcades de la Brandenburger Tor.
À l’aube, les Berlinois tant de l’Ouest que de l’Est, n’en crurent pas leur yeux. De l’Est, les plus vifs ou les plus réalistes ou les plus pessimistes, voir ceux qui n’avaient pas trop de contraintes, familiales ou autres, franchirent les nouveaux obstacles en se déchirant parfois les vêtements aux pointes acérées des rouleaux de fil.

Ce matin, le long de la Bernauerstrasse des échoppes distribuent ou vendent des prospectus, des livres, des journaux, des albums de photos et des DVD, consacrés à la construction du mur, à sa chute, à la vie des deux côté de la séparation, aux mémoriaux commémorant des événements tragiques, aux échappées réussies, à ceux et à celles qui furent tués en essayant de fuir, à la séparation des familles et aux retrouvailles en 1989.

Le soleil est revenu ce matin, les badauds déambulent sur la pelouse qui a remplacé la ‘Todesstreife’ qui longeait la rue. L’atmosphère est bon enfant, on se croirait à une fête champêtre d’une belle journée d’été.

De nombreuses gerbes de fleurs ont été déposées le long du morceau de mur original qui, au début de la Bernauerstrasse, fait face à la ‘Gedänkstätte Berliner Mauer’.
Quelque part, isolée au sol, une plaque ronde en fer rouillé porte l’inscription:
‘Flucht – Heinz V. -24.09.1961.
Plus loin, une inscription dans une dalle en granit se lit: ‘Demopfer der Schandemauer – Olga Segler – 26.09.1961’.
La réussite et le drame.
À plusieurs endroits, des panneaux explicatifs, agrémentés de photos surdimentionnées décrivent l’histoire de cette rue symbolique.

A midi, la grosse cloche de la ‘Chapelle de la Réconciliation’ sonne à toute volée, et donne ainsi le signal de la minute de silence qui ponctuer l’anniversaire, le son de la cloche et le silence, une intéressante contradiction.

Nous retournons vers la gare de la Friederichsstrasse, un autre endroit symbole et puis, plus au sud, nous faisons un arrêt au Check-Point Charlie.

La ville a déployé de nombreux témoignages audio et visuels essentiellement le long de l’ancien trajet du mur et aux endroits qui ont joué un rôle important pendant les cinquante années de l’existence du mur.
Il y manque le sens du drame.

En fin de journée, nous assistons à la projection d’une dizaine de reportages de films qu’en août 1961, la Fox a projeté dans les cinémas de l’Ouest et la DEFA dans ceux de l’Est. Le musée du cinema de Potsdam a sorti de ses archives des documents qui illustrent la crise politique et la tension que l’initiative de la DDR a provoqué à l’époque.
Le drame était bien présent.

Les chars d’assauts défilaient dans les rues, tant à l’Ouest qu’à l’Est. Dans leur secteurs respectifs, les Anglais et Américains avaient renforcés leurs contingents militaires. Willy Brandt, le maire de la ville à l’époque, était revenu dare-dare de vacances, Conrad Adenauer alla serrer la main des Berlinois devant la Brandenburger Tor et même Lyndon Johnson, à ce moment vice-président des Etats-Unis avait traversé l’Atlantique pour témoigner à la ville et à ses habitants, le soutien des pays de l’Ouest.

Les reportages illustrent bien la force de la propagande, les deux protagonistes juraient de rechercher la paix mondiale tout en faisant défiler leur troupes et leur plus gros canons dans les deux parties de la capitale.
Il est frappant de souligner que la Fox mettait l’évènement en première de son journal alors que la DEFA étalait les mérites d’un avion commercial à moteur à réaction qui mettait les touristes à deux heures de vol de Moscou, avant de se réjouir que la fermeture de ses frontières mettait ses citoyens à l’abri des provocation des fascistes capitalistes décadents.
Ces reportages illustrent également le désarroi et la perplexité des pays démocratiques devant l’arrogance et l’agression des dictatures. On est malheureusement toujours là aujourd’hui.

La petite Parisienne de ce matin aurait aimé ces films.

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3 commentaires pour Berlin [2] Le mur, cinquante ans après

  1. Il faut visiter le Berlin actuel; malgré toutes les constructions modernes, on navigue entre le passé et le présent

  2. duquelu dit :

    Cher Matchingpoints,
    C’est ce que nous faisons depuis l’année dernière, voir mes pages de blog 2010.
    Nous reprenons nos périgrinations cette année-ci,
    Merci pour votre commentaire,
    D

  3. La Parisienne dit :

    Je constate avec plaisir que je figure dans l’article que vous avez rédigé sur la commémoration du cinquantième anniversaire de la construction du Mur. Comme quoi une simple rencontre dans un train peut laisser des traces ! Pour être sincère, je trouve vos photos très réussies : elles illustrent parfaitement le sujet abordé et permettent de se faire une idée plus précise de ce que signifiait le Mur pour les Allemands et le traumatisme que sa construction a engendré. Même si Berlin a su se tourner vers l’avenir – la métamorphose de la Potsdamer Platz en est l’exemple le plus frappant, cette ville est encore hantée à l’heure actuelle par son passé douleureux et laisse un profond sentiment de malaise. Nul ne peut rester indifférent au sort qui a été réservé à ses habitants pendant des décennies. La capitale de l’Allemagne est une ville blessée, meurtrie qui ne parviendra certainement jamais à se libérer complètement du destin tragique dont elle a été la victime. L’Histoire y a laissé de trop profondes séquelles…

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