Les cinq messieurs bien mis tournent en rond en gesticulant autour du pied de la passerelle, leurs épouses les observent d’un oeil amusé.
« Hablas Espagnol? » me demande l’un d’eux soudainement. Je répond « Un poquito », il fait « Ahah » et il part d’une longue explication dont je déduis qu’ils sont Espagnols et ingénieurs et qu’ils se demandent comment fonctionne le mécanisme de la passerelle.
Je suis aussi un ingénieur, leur dis-je et je leur explique que le tablier en métal léger est articulé côté rive et que deux puissants vérins hydrauliques le font basculer vers le haut, ce qui ouvre le passage aux bateaux.
Mon interlocuteur explique la chose à ses amis, qui n’ont pas l’air convaincus et qui continuent à gesticuler en arpentant la structure. Les femmes se taisent.
Nous sommes amarrés dans le vieux port de Vegesack, sur la rive droite de la Weser à 17 km au nord de Bremen, au confluant de la Lesum. C’est le port d’attache du voilier école ‘Deutschland’ de la marine Allemande.
À la fin du 16e siècle, les bateaux sont devenus plus grands, avec des tirants d’eau de 3 mètres et plus, et les marchants de Bremen ne peuvent plus remonter la Weser jusqu’à la Schlachte à cause des bancs de sables de la rivière.
En 1619 il est décidé de construire un port à Vegesack et les constructeurs Hollandais, experts de la chose, réalisent en 2 ans ce qui devient le premier port artificiel de la côte nord du pays.
Aujourd’hui, le port fait partie du musée de la marine de la ville, il abrite de nombreux vieux gréements mais offre également quelques emplacements aux touristes fluviaux de passage. Le Chat Lune est amarré dans un musée.
La Hafenmeisterin Sigrid Leichsenring nous accueille, nous souhaite la bienvenue et nous remet un guide 2012 des ports du nord de l’Allemagne ainsi qu’une documentation sur la ville de Vegesack.
Notre idée initiale avait été de descendre la Weser directement jusque Bremerhaven mais en feuilletant les guides nautiques que nous avons à bord j’avais été intrigué par ce petit ‘port musée’.
Nous décidons d’y faire une halte repos, d’autant que la météo annonce de la pluie et un vent du nord de force 5 pour demain mardi et naviguer sur un fleuve, avec le vent qui lutte contre la marée, n’est pas une bonne idée.
La ville est possède le long de la rivière, une belle promenade baptisée ‘Die Maritime Meile’, qui comme le nom l’indique, fait exactement un mille nautique soit 1,852 km.
En hauteur, la Weserstrasse, la rue parallèle à cette promenade, comporte une série de maisons construites au dix-neuvième siècle par les capitaines de navires. Les jardins surplombent la promenade.
Notre dépliant explique qu’en 1856 habitaient ici 37 capitaines, 35 veuves, 31 artisans, 9 matelots et officiers, 7 commerçants, 4 instituteurs, 2 sénateurs et 1 médecin.
Voilà une information utile et précise qui nous incite à faire la promenade et à parcourir la Weserstrasse, l’appareil photo à la main.
Pour notre confort, Der Graue Esel offre un lunch à 6,50€, le prix modeste des plats du jours ne cesse de nous étonner.
Mercredi matin, par un beau soleil, nous lâchons les amarres et avec un grand ‘Tschüss’, Sigrid Leichsenring nous laisse sortir du port et lève la passerelle qui intrigua les ingénieurs Espagnols.
Tschüss n’est pas un juron, c’est l’expression universelle qui remplace ‘Auf Wiedersehen’ en Basse Saxonie.
On se régale avec vos récits et photos, comme nous ne connaissons pas du tout le nord d’Allemagne. Il fait toujours aussi beau.
Par contre, le « Tschüss » se dit dans tout l’Allemagne, même en Bavière – le « Servus » y est toutefois plus répandu…
Faut venir, c’est beau le Nord! Le temps est très variable, on a dans la même journée, un soleil radieux, puis des trombes d’eau, puis re-soleil, tout sèche en un quart d’heure. Tschüss,
M