En remerciement d’avoir rempli un questionnaire qu’un éclusier nous avait remis il y a quelques jours en quittant Groningen, nous recevons le drapeau de courtoisie de la province de Drenthe, je l’arbore sous le pavillon de courtoisie Hollandais.
L’administration fluviale veut connaître les préférences des plaisanciers en matière d’heures de fonctionnement des écluses et des ponts levis, en substance, plus de jours sur l’année avec moins d’heures par jour ou l’inverse.
Nous, on aime quand ça fonctionne tout le temps.
Le port de plaisance de Assen est le canal rectiligne qui pénètre jusqu’au coeur de la ville.
L’infrastructure de plaisance est toute neuve mais le capitaine du port nous confie que l’architecte avait oublié de lui prévoir un bureau. Le projet prévoyait aussi un local pour une machine à laver le linge et un séchoir, autre oubli de l’architecte.
La capitainerie est logée dans une remise à balai et les machines à linge dans les sanitaires pour handicapés.
En dehors de ces détails les locaux sont flambants neufs, les sanitaires sont propres et les douches impeccables.
L’utilisation des douches et des machines à laver le linge est gratuite car l’architecte a aussi oublié de faire passer commande pour les boîtes de paiement.
Cela nous fait penser que l’architecte qui a rénové les appartements de Jean 23 au Vatican avait oublié de prévoir des toilettes, ce qui lui valut la remarque du Pape, ‘nous ne sommes pas des anges’.
Ici à Assen, la nouvelles des ‘Miele’ gratuites a vite fait le tour du port et la liste d’attente ne se désemplit pas. Les habitants de la ville viennent probablement aussi faire leur lessive à la capitainerie.
Le pont qui bloque la sortie du port tourne à partir de 09:00 car ‘si j’ouvre plus tôt’ nous confie le Havenmeester, ‘je bloque les convois d’enfants qui se rendent à l’école à vélo’.
De Assen à Meppel il y a 44 km de navigation et comme obstacles, 28 ponts levis ou tournants et six écluses, le tout à franchir entre 09:00 et 17:00 avec un pause casse-croute de 12:00 à 13:00, mon optimisme me dit, ‘c’est faisable en une journée’.
En effet, tout se déroule comme du papier à musique, les ponts tournent dès que nous sommes à 100 m de l’obstacle et les écluses, à une exception près, nous offrent leurs portes ouvertes.
Vers 16:00, un orage violent menace lorsque nous passons l’avant-dernière écluse du parcours. L’éclusier, un bureaucrate sérieux, nous prévient que si l’orage éclate il suivra la consigne de se mettre à l’abri et d’arrêter toute manoeuvre. M. s’inquiète, ‘et en cas de pluie?’, ‘lorsqu’il pleut’, répond notre discipliné interlocuteur, ‘ je me mets également à l’abri’.
Le ciel devient de plus en plus noir et à 5 km de l’écluse de Meppel, le but de la journée, des trombes d’eau s’effondrent sur le Chat Lune, nous quittons la dunette et je prend la barre intérieure, la visibilité est réduite à cinquante mètres, les essuies-glaces battent frénétiquement, je réduit la vitesse du bateau.
Arrivé devant les portes fermées de l’écluse nous observons que l’éclusier en T-shirt et pantalon de toile, trempé comme un os, manoeuvre paisiblement les vannes et fait passer un avalant devant nous. Il n’a pas du lire les instructions.
L’autre bateau sorti, il bascule le bassin et nous laisse rentrer, lorsqu’il est à notre portée, on le remercie et il nous fait du coin des lèvres avec un grand sourire, ‘en principe, je devrait m’arrêter, mais ce n’est que de la pluie’, et il poursuit sa manœuvre, sans se soucier des éclairs et du déluge d’eau.
Un kilomètre plus loin, à 17:00, le pontonnier de la ville de Meppel fait tourner les deux derniers obstacles qui nous séparent du port municipal où nous fixons nos amarres pour la nuit.
Une « Miele » gratuite, ça nous intéresserait aussi…