« Je suis Brésilien et je parle un peu d’anglais », m’annonce le vendeur assis devant son ordinateur portable qu’il pianote sans trop de conviction. Dans son stand qui fait trois mètres sur deux, il expose des T-shirts en coton, il y en a des rouges et des rayés blancs et bleus, avec ou sans capuchons et dans toutes les tailles, de 1 ans à XXL.
Dans le coin droit, sur la table où il a posé son portable, sont empilées quelques boîtes avec des loupes et des lampes de poche.
Je lui achète une loupe avec éclairage incorporé, « fabriqué en Tchèquie », me précise-t-il.
Je me trouve dans le hall 4, accastillage et articles divers, du Ghent Boat Show, un modeste événement annuel organisé dans les locaux de Flanders Expo.
Le Chat Lune est bien équipé, je ne recherche rien particulier, la loupe à 10€ et un expresso sont mes seules dépenses de la matinée.
Le Brésilien m’explique que huit mois par ans il vit en Allemagne où il a introduit une application de résidence. « J’ai deux petites sociétés en Europe et j’aimerais y habiter. J’aime l’Allemagne pour la sécurité. Les gens sont gentils, dommage que leur nourriture ne vaut rien, la viande n’a pas de goût et le poivre et le sel sont les seuls condiments qu’ils connaissent ».
Il m’explique qu’à Rio il porte toujours sur lui le Smith et Wesson ’45 que lui a légué son père.
« Quatre fois des nègres ont essayé de venir dévaliser ma boutique, la dernière fois j’en ai envoyé deux à l’hôpital et un est dans une chaise roulante et j’en ai gardé une belle cicatrice sur le crâne » et il baisse la tête pour me prouver les faits, « douze points de suture », précise-t-il. « Au Brésil les blancs sont discriminés, la loi impose un quota de 50 % de nègres dans les universités. » « Pourtant nous sommes tous de sang mêlé, moi aussi et mon amie est une mulâtre ».
Il sort son portable et me fait admirer un cliché sur lequel figure le portrait d’une belle jeune femme, d’un enfant et de lui-même.
Il pointe le gamin du doigt: « ça c’est une erreur, à mon âge, j’ai 54 ans, on ne fait plus d’enfants. Mais voila c’était à Rome il y trois ans, une chaude nuit d’été ». Son regard prend un air rêveur.
Je lui souhaite un bon salon, il me remercie pour mon achat et je poursuis ma promenade.
Un peu plus loin je m’arrête à un stand qui réunit les amateurs de la nostalgie nautique. De nombreuses brochures inventorient les chantiers navals qui construisent ou réparent les embarcations en bois, les évènements y référant et les musées tel que le ‘Rijn en Binnevaartmuseum’ à Anvers. J’y découvre aussi une brochure concernant la ‘Barge Gantoise’.
On doit la reconstruction de la barge à feu le capitaine André De Wilde, directeur général du port de Gand et à Walter De Buck, sculpteur et chanteur Gantois.
L’a.s.b.l. ‘De Steenschuit’ de Boom, l’a.s.b.l. ‘Beeldhouwerscollectief Loods 13’ (association de sculpteurs du Hangar 13) et le VDAB (l’association flamande pour la promotion de l’emploi) mirent au travail une équipe de chercheurs d’emploi et en 5 ans de temps, la barge historique, baptisée ‘Kapt. André De Wilde’, fut construite et mise à l’eau à Boom.
Au 17e siècle les États de Flandres mirent en service des barges tirées par deux chevaux pour relier Gand à Bruges par le canal du même nom. Durant 200 ans les bateaux transportèrent en huit heures de temps, passagers et matériaux entre les deux villes. L’amélioration de l’état des routes et les diligences rapides, les bateaux à vapeurs et les trains tuèrent l’initiative en 1839.
Les bateaux jouirent d’une excellente réputation pour leur confort et la qualité de la cuisine à bord.
Parmi les illustres passagers, on compte, l’Enfante Isabelle en 1625, le Tsar Pierre le Grand en 1717, Louis XV en 1745, Le Prince Charles de Lorraine en 1749, 1752 et 1756, le Roi du Danemark Christian VI en 1768, la Princesse Marie-Louise en 1810 et le Roi Leopold I en 1834.
Aujourd’hui le bateau peut être loué par tout un chacun pour célébrer un mariage, un anniversaire, un départ en retraite ou tout autre occasion de se réunir. Les chevaux en chair en os ont fait place à des chevaux vapeur, mais le beau vaisseau se meut toujours lentement dans la nature entre Gand et Bruges, comme dans le passé.