Changement de programme.
Ce matin, plein de courage, nous quittons le port de Vitry-le-François pour nous engager sur le Champagne-Bourgogne, le canal fait 214 km et comporte 114 écluses dont la chute moyenne est de 3m50.
La première, Désert 71, à une chute de 3m33, ses parois sont recouvertes d’une épaisse couche de boue grise gluante, il n’y a pas d’attaches latérales sur les murs et les quelques bollards rendent l’amarrage difficile. En moins de temps qu’il ne faut à un nourrisson pour déverser le contenu de sa pâtée sur la blouse blanche de sa mère, nos aussières collent aux mains, les pare-battages noirs sont devenus gris, le pont du Chat Lune ainsi que le bastingage sont constellés de plaques de boue.
Marleen fait la grimace, les gènes Suisse-Allemands que j’ai hérité en grand nombre de ma mère bouillonnent dans ma cervelle et je visualise le Chat Lune se couvrant de boue au fil des 113 écluses suivantes.
Sans longue discussion, passé les portes amont, nous faisons demi-tour, prenons la bassinée inverse et allons nous amarrer à l’endroit que nous venons de quitter une heure plus tôt dans le port de Vitry-le-François.
La capitaine nous console et s’engage à bien nous chouchouter pendant notre séjour chez elle.
Ainsi, soudainement, la visite de la ville de Lyon en Chat L’une est remise en question.
Notre choix de vie de nomades fluviaux doit rester un plaisir et pas devenir une corvée.
Le 13 juin, tiens une date, ça m’a échappé, nous avons quitté La Ferté-sous-Jouarre pour continuer à remonter la Marne.
La rivière est d’un vert opale, j’imagine que nous voguons sur l’Amazone, des images de Fitzccaraldo défilent devant mes yeux, je vois Klaus Kinski en costume blanc, le visage torturé, la main posée sur son gramophone, Caruso chante Verdi.
En guise d’indiens, ci et là un pêcheur somnole, leur longues cannes nous obligent à frôler la rive opposée.
Sous une pluie battante nous amarrons le Chat Lune à la halte municipale de Damery.
Après le dîner, le ciel s’ouvre et nous pointons le nez dehors.
« C’est un petit bourg, mais nous avons tout » nous explique un gentil monsieur qui en cette fin de journée, promène son chat le long des quais.
« Deux bouchers, deux boulangers, deux bistros et une épicerie ». Nous en faisons le tour et en effet les commerces sont là et en plus, il y a bien entendu l’église et la mairie, le bourg est complet.
Le lendemain nous sommes à Châlons-en-Champagne. La municipalité a créé un port de plaisance là où en 2009 il n’y avait qu’un long quai en béton.
Le jeune capitaine du port, bilingue français-anglais, nous explique très fièrement le fonctionnement des lieux. Chaque visiteur reçoit un code personnalisé qui donne accès aux locaux sanitaires et à une connexion WiFi. Le port dispose d’un lave linge et d’un séchoir flambant neuf de grande capacité. M. en profite pour nous remettre à neuf.
D’origine la ville s’appelait Chaalons-en-Champagne. La révolution Française supprime les provinces pour des raisons idéologiques et en 1850 le lieux devient Châlons-sur-Marne.
Le 26 décembre 1997 à la demande de ses habitants, un décret officiel lui rend son nom historique de Châlons-en-Champagne, cette fois-ci avec l’accent circonflexe.
Le champagne se boit, l’eau de la Marne pas.
Après deux jours d’arrêt nous poursuivons notre route en le dimanche 16 juin, à 15:10, nous amarrons le Chat Lune dans le port de Vitry-le-François.