Ils sont sept, trois filles et quatre garçons, tous habillés de noir. Le décor est minimaliste, des rideaux également noirs, entourent le plateau sur lequel une mappemonde en plastique blanc est déployée sur toute la largeur de la scène.
Les auteur de la pièce intitulée ‘A History of Everything’ se sont inspirés de Darwin, Richard Dawkins et Bill Bryson.
L’action démarre aujourd’hui, le 23 novembre 2013 et remonte pas à pas en marche arrière vers le Big Bang. Les acteurs miment les événements mondiaux au rythme d’un compteur à rebours qui sur le fond de la scène, lentement d’abord et puis de plus en plus vite, déroule les mois, les années et puis les siècles et les millénaires.
Le compte est juste, le premier iPad est lancé en 2010, Tchernobyl est en 1986, la Terreur en 1793, la chronologie des guerres locales et mondiales sont présentées par des petit panneaux ‘WAR’ posés sur la mappemonde, les acteurs virevoltent avec des représentations symboliques, pistolets factices qui déploient un petit drapeau qui lit ‘PANG’, un crucifix dont la barre horizontale mobile a tendance à pivoter vers le bas, des couronnes en papier doré sur le crâne, des maquettes de voiliers pour simuler les mutations entre les continents, des minis blocs en pierre pour ériger une pyramide.
Plus loin dans le temps, l’homme devient primate, les météorites bouleversent la planète et les dinosaures sont éliminés, les espèces vivantes quittent la terre à reculons et retournent dans les océans, la vie unicellulaire se développe, le compteur saute million d’années par millions d’années, notre planète se crée et enfin, dans un ballet d’étoiles qui tourbillonnent, emmenés par une sono d’enfer, la pièce se termine par un point noir, l’origine.
Quelques milliards d’années en deux heures de spectacle mené tambour battant par des jeunes acteurs enthousiastes, le public est ravi et nous aussi. C’est original, drôle, dynamique et bien fait, la synchronisation est remarquable et les acteurs jouent à merveille les dizaines de rôles que la pièce leur fait interpréter.
Cela se passe dans la grande salle de la ‘Grote Post’ à Ostende. Le bâtiment construit en style art déco par l’architecte Gantois Gaston Eysselinck autour des années cinquante a été rénové et transformé en centre culturel en 2012.
Voir à ce sujet mon billet daté du 10 janvier 2011 et intitulé ‘Eysselick et la Poste d’Ostende’.
De retour à Gand, et dans le même esprit, du moins le titre le fait penser, le théâtre pour jeunes et adolescent ‘De Kopergieterij’ offre le spectacle ‘De Geschiedenis van de Wereld in banaliteiten’. (L’histoire du monde au travers d’événements banaux)
L’acteur Titus De Voogdt, svelte et tout en nerfs, ouvre le spectacle en tapant quelques balles de jokari sur le sol de la scène et ensuite, pendant plus d’une heure, nous raconte sa vie tout en se promenant dans sa cuisine/séjour. Au travers d’une baie ouverte sans porte, on aperçoit dans la pièce à côté, l’extrémité d’un lit avec sous une couverture, les jambes et les pieds de ce qui s’avère être sa mère. La vieille dame qui souffre d’Alzheimer, est doucement en train de mourir.
On découvre qu’elle est chercheuse scientifique, professeur d’université à Gand, émigrée il y a quelques décades au centre de recherche de la CERN, où elle a travaillé dans l’obsession d’identifier la particule de Higgs.
Sa maladie l’a forcé à revenir chez son fils qui l’a recueilli chez lui et qui depuis plusieurs mois la soigne avec beaucoup de tendresse.
Philippe, c’est son nom, nous raconte sa jeunesse dans lequel intervient son grand-père prestidigitateur, dont il a hérité quelques tours qu’il présente à la grande joie du public et bien entendu sa mère qui tout en lui témoignant une attention naturelle mais un peu distraite, vivait intensément sa passion de chercheuse au point de l’abandonner ainsi que son professorat pour partir en Suisse et se consacrer entièrement à la recherche fondamentale.
Le monologue est truffé d’anecdotes hilarantes, comme son insistance de gamin pour l’achat d’un synthétiseur qu’il n’utilise que pendant deux jours.
Parfois mélancoliques, comme la mort de son chat Moses dans la baignoire qu’il oublie de vider lorsque dare-dare, il part accompagner sa mère à la séance d’adieu organisé par la faculté avant qu’elle ne le quitte pour la Suisse.
Nous nous asseyons au milieu du premier rang, les seuls vieux à assister à la présentation du matin entourés de trois classes d’élèves d’une quinzaine d’années.
Titus De Voogdt virevolte sur le plateau, grimpe sur les meubles de cuisine, se fait une tisane au passage, avec une machine mécanique, pèle une pomme et l’offre à sa mère dans la chambre à côté, lui fait la lecture et tout en continuant à nous raconter son histoire.
Son monologue est ponctué par un jeu de guitare acoustique, les ados et nous sommes concentrés et silencieux et à la fin, les applaudissements fracassants soulignent la qualité de cette émouvante narration.
Quel plaisir de vivre dans des villes qui offrent des spectacles de grande qualité, sans prétention et en toute modestie.