Le mardi 12 août 1996 j’achète un chapeau Tilley, modèle T5 en toile de coton. Je l’ai porté pour me protéger du soleil lors de nos croisières en voilier en Croatie, au Danemark et en Suède. Lorsque le Chat Lune remplaça les voiliers, sur les fleuves et les canaux d’Europe, le chapeau Tilley continua à protéger mon crâne des insolations.
Fabriqué au Canada, il flotte grâce à une doublure en mousse non absorbante, il protège contre le soleil avec la côte de protection maximale IPU 50+, il est ventilé, il résiste à l’eau, il est confortable à porter, il tient sur la tête par grand vent grâce à un cordon escamotable réglable, il ne rétrécit pas au lavage, il possède une poche secrète permettent de ranger une carte de crédit et un permis de pêche, il est assuré contre la perte et il est garanti à vie, c’est la Rolls des couvres chefs.
Timothy James Brooks, écrivain, sinologue et historien publia en 2008 un livre intitulé ‘Vermeer’s Hat’, le chapeau de Vermeer.
En huit chapitres, partant chaque fois d’une œuvre peinte aux Pays Bas, dont six de la main de Johannes Vermeer, l’auteur nous brosse un large tableau de la vie, de la politique et du commerce au 17e siècle.
Des trappeurs de peaux au Canada au trafic de porcelaine en Chine, de l’exploitation des mines d’argent de Potosi, de la piraterie des marchands du VOC à l’égard des carracks Portugais, des guerres internes en Chine à la chute de la dynastie des Ming en 1644, Brooks nous apprend à regarder d’un œil nouveau les peintures de l’époque et le début de la mondialisation.
Le tableau ‘L’officier et la jeune fille riant’ est le départ d’une dissertation sur la confrontation des explorateurs Français avec les Hurons, le Algonquins, les Mohawks et tous les peuples qui vivaient entre le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs à l’est du Canada actuel.
Au 17e siècle toute personne, riche ou pauvre, homme ou femme, se couvrait la tête. Les pauvres portaient des bonnets sans forme, des ‘klapmutsen’ et les riches témoignaient de leur bonne fortune en arborant des chapeaux de grande taille à larges bords, comme l’officier représenté par Vermeer. Les meilleurs feutres était faits de poils de castors mais au fil des années, ces rongeurs aquatiques avaient été exterminés par une chasse sans répit, des lacs Hollandais à la Scandinavie.
La laine des moutons, mélangée à des poils de lapins faisait des chapeaux de mauvaise qualité, sous l’action de l’eau, le produit avait tendance à se gorger d’eau et à perdre sa forme, il n’était bon que pour les klapmutsen.
Une nouvelle source avait été trouvée au delà de l’Atlantique au grand bonheur des riches Hollandais et des deux partis engagés dans la transaction des peaux.
Les indiens trouvaient que les Européens étaient très généreux de leur échanger des objets en acier, tel que des couteaux, des haches et des casseroles pour un produit qui pour eux n’avait pas beaucoup de valeur. Les trappeurs étaient ravis d’acquérir à bon compte des peaux de castors qui valaient 200 livres la pièce sur la place de Paris, contre 1 livre pour l’objet du troc.
Le Canada a une longue tradition de fournir de la matière première pour des chapeaux d’excellente qualité, le Tilley Hat en est la preuve et la résultante.
Le mois dernier, dans le cadre de la préparation de la saison de navigation 2014, je pris contact avec Tilley pour leur expliquer que mon chapeau, après une petite vingtaine d’années de bons services était arrivé à la fin de sa vie.
Sans la moindre hésitation, Debbie confirma qu’il pouvait être remplacé sans coût. Elle me demanda de lui envoyer quelques photos de l’objet pour vérifier son état et de transférer 20$ Canadiens (13€) pour les frais de port.
Ce que je fit et cinq jours plus tard, je reçus un nouveau chapeau Tilley T5 en coton. Me voilà fin prêt pour les prochaines vingts années de navigation, merci Debbie.
mais quelle histoire pour un chapeau !