Quand je reviendrai, dans ma prochaine vie, je serai éclusier-pontonnier sur la Dendre.
C’est un métier varié, la société me fournit un véhicule et je ne dois pas porter de costume cravate.
En hiver, lorsque le temps le permet, avec ma barquette à moteur, je vais avec mon collègue Maurice élaguer les branches des buissons qui dépassent et qui risquent de gêner la circulation des bateaux de plaisance.
À la belle saison, de mai à fin septembre, j’attend que mon chef qui relève de la Centrale de la Direction de la promotion des Voies navigables et de l’intermobilité du Tourisme Fluvial de Wallonnie, district de la Dendre, me téléphone pour me signaler qu’un bateau de plaisance est annoncé à Grammont et qu’il souhaite se rendre à Ath, ou l’inverse. Ce n’est pas très fréquent, mais lorsque ça arrive, je note les heures de départ souhaitées, j’avertis Maurice et nous partons, lui avec son camion et moi avec ma camionnette pour aller actionner les écluses et les ponts du trajet qui tombe sous notre responsabilité, de l’écluse de Deux-Acren à l’écluse de Bilhée, près de l’ancien moulin.
C’est là que j’habite avec ma femme Alice qui est institutrice. Nous avons deux gamins de cinq et de sept ans, en période de vacances ils m’accompagnent ou bien ils vont jouer chez leur parrain Sylva qui habite Rebaix et qui est marchand de grains et engrais. Ils peuvent l’accompagner en tournée avec son vieux camion, un Dodge qui a été laissé en place par les Américains à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Pour l’instant, je suis retraité et ma femme M. et moi savourons notre croisière Nord-Sud de la province du Hainaut. La Dendre est une rivière qui mérite trois étoiles dans le Michelin des fleuves d’Europe. On navigue généralement entre des prairies avec ou sans vaches, il y a beaucoup d’arbres et sauf à la traversée des rares villages, on ne voit pas de constructions, à l’exception de quelques hangars et un vieux DC 3 posé dans une pré au sud de Grammont.
Le service des ouvrages d’art est impeccable, tant du côté flamand que du côté wallon, les techniciens sont aimables et compétents. L’infrastructure des haltes est assez primitive, ne vous attendez pas à trouver des douches chaudes, voir de l’eau ou de l’électricité, mais il y a des pontons et vous êtes en ville, Alost, Grammont, Lessines ou Ath, cela suffit à notre bonheur.
Depuis ce midi nous sommes amarrés à Ath, passé la deuxième écluse de la ville, derrière la péniche Bar-Cocktails. L’éclusier pensait qu’il y aurait peut-être de l’électricité sur les quais, mais les bornes ne sont pas branchées.
Le patron du Bar-Cocktail m’offre gentiment de me brancher sur son compteur le temps de nos deux nuitées dans la ville de ma naissance.
Demain nous allons jouer les touristes curieux.