Grand et élancé, il arbore la fine moustache grise à la française et lorsqu’il parle, il gesticule avec son parapluie, il me fait penser à monsieur Hulot.
« C’est un belle petite ville », explique-t-il, « mais elle se meurt. Les jeunes partent, les petites industries locales trouvent de la main-d’œuvre mais pas de cadres. Il n’y plus de médecins non plus, ce sont leurs épouses qui ne veulent pas venir s’enterrer dans un endroit où il ne se passe rien, pas de complexes sportifs et pas d’activités culturelles. Deux de mes trois enfants sont partis, mais ma fille habite Orléans et pour rien au monde elle ne voudrait revenir ici. »
Nous sommes amarrés depuis hier midi le long du quai de plaisance de Langres. Il y a de l’eau et de l’électricité disponibles aux bornes bleues plantées tous les 25 m. Il n’y a pas de frais d’amarrage et l’électricité est disponible pendant trois fois une heure par jour, de 7 à 8, de 12 à 13 et de 19 à 20 heures. Cette mesure est intelligente, cela évite à la commune de trop gros frais et les plaisanciers peuvent recharger leurs batteries.
Hier après-midi nous avons gravi la rue de Champagne qui mène à l’Intermarché. J’ai poussé mon Brompton dans la montée et je suis redescendu chargé en actionnant mes deux freins jusqu’en bas de la côte.
Depuis que nous naviguons en ‘flottille’ avec le River Pipit, on alterne les repas du soir, aujourd’hui dimanche le dîner sera servi à 19:00 sur la dunette du Chat Lune pour autant qu’il ne pleuve pas.
À Langres les bus ne roulent pas le dimanche et nous avons décidé de respecter ce jour de repos pour ne pas faire grand-chose.
Malgré tout, profitant de l’électricité offerte de 7 à 8, Geneviève fait deux lessives dans sa petite machine à laver. Je lance le billet de mon blog relatif au Château de Rosières, Marleen et Bill lisent et bricolent à bord.
Nous sommes tous un peu fatigués de la navigation des jours précédents.
Il fait savoir que naviguer pendant six ou sept heures sans interruption dans un canal avec une écluse tous les 2 km en moyenne, requière de l’équipage une concentration permanente et un effort physique continu.
Lorsque nous sommes montants, à chaque écluse Marleen grimpe à l’échelle fixée le long du bajoyer pour fixer une aussière et actionner la tige bleue qui commande la bassinée, c’est physique.
Je conduit le bateau ce qui demande une dextérité acquise au fil des années car chaque écluse est différente, c’est de l’habileté. Dans l’écluse je tiens tendue l’aussière de manière à ce que le bateau reste collé au bajoyer, c’est physique. Toute la journée, nous vivons en plein air, c’est sain.
Le tout, fait que nous sommes bien en forme mais parfois une nuit de repos ne suffit pas.
Le port de Champigny-lès-Langres est situé deux écluses plus bas que le bief de partage du canal Champagne Bourgogne.
Un bief est la partie du canal situé entre deux écluses. Le bief de partage est la plan d’eau le plus élevé du canal. Sur ce canal-ci le bief de partage est situé sur le Plateau de Langres, il fait 10 km de long et pour passer sous le sommet de la colline, on franchit un tunnel long de 4.8 km.
Le versant Saône comporte 35 écluses d’une dénivellation moyenne de 3,50 m suivies de 8 de 5,15 m, avant d’arriver au bief de partage.
Nous avons mis quatre jours de Maxilly-sur-Saône à Champigny-lès-Langres, la distance est de 75 km.
Le troisième jour, après avoir gravi toutes les écluses montantes, nous avons frappé nos amarres à Heuilley-Cotton, deux kilomètres avant l’entrée du tunnel.
Marleen et Genevieve ont exploré le village et elles ont découvert que le cimetière comporte des décorations florales en céramique colorée similaires aux tombes de l’ancien cimetière d’Ostende.
J’ai commenté la visite du cimetière d’Ostende dans un billet plus ancien.
Le versant Marne est long de 150 km; il comporte 71 écluses de la même dénivellation moyenne que le versant Saône. Nous avons déjà franchi deux écluses avalantes, il nous en reste 69 à passer pour arriver à Vitry-le-François. Nous quitterons le port mardi.
Demain lundi, nous allons visiter Langres.