Le fond est une paroi blanche qui sert d’écran à un jeu d’ombres chinoises. À droite, un vieil homme sommeille sur un lit métallique. À gauche de la scène, une table et deux chaises. Sur la table deux gobelets en email blanc et deux oranges.
Dans la pénombre à droite, en dehors de la scène, on perçoit un ensemble de percussion et un guitariste. La musique est discrète, moderne, sobre et minimaliste.
Une vieille dame à vélo apparaît, dans le panier accroché à son guidon, un chien.
Dans la petite salle de spectacle de la Grande Poste à Ostende, nous assistons à ‘Adios’, une représentation du groupe Néerlandais ‘Speeltheater Holland & Het Houten Huis’.
Les acteurs portent des masques surdimensionnés, le chien est une poupée.
En une heure de temps on assiste à l’agonie et à la mort du vieil homme, suivi du déchirement, du deuil et puis, petit à petit, du réveil à la vie de sa compagne.
Le chien aboie et fait des bruits de chien mais les acteurs n’échangent pas un mot, tout est dans le gestuel et le jeu mimé des acteurs. La tendresse du couple, la lutte pour la survie, l’intervention des médecins et le chien. Les rêves et les images du passé sont illustrés par les silhouettes projetées sur le mur du fond, c’est de la poésie à l’état pur. Le public est ému, nous aussi.
Assis dernière nous, deux jeunes enfants pleurent à chaudes larmes.
Ce spectacle est une perle rare.
Aujourd’hui, c’est l’après-midi des contrastes.
Nous quittons la Grande Poste vers 16:15 et comme nous étions assis au premier rang et que les sièges sont sur le plateau, avant de sortir, on serre la pince et on félicite les quatre acteurs et musiciens.
Le temps de grignoter un snack et nous nous retrouvons assis dans la salle 8 du Kinepolis pour assister à la retransmission en temps réel de l’opéra Carmen de Bizet, par le Metropolitan Opera de New York.
Le spectacle est grandiose, la mise en scène comprend une centaine de choristes et de figurants, les décors sont monumentaux et spectaculaires, l’orchestre est dirigé par Pablo Heras-Casado et comme toujours, les solistes sont de renommée internationale.
La pulpeuse Géorgienne Anita Rachvelishvilli incarne Carmen avec conviction.
Pendant l’entracte elle confie à l’hôtesse du jour, Joyce DiDonato, « j’adore ce rôle, dans la vie aussi, je suis Carmen. »
Le Letton Aleksander Antonenko est Don José et la Roumaine Anita Hartig, joue Mikaëla.
Tout comme il y a deux semaines dans les Noces De Figaro, le producteur Richard Eyre a insufflé au jeu des chanteurs/acteurs un dynamisme qui ne faiblit jamais tout au long du spectacle.
J’ai observé que depuis que le MET a commencé en 2006 la transmissions de ses opéras en HD, exposant les chanteurs en grandeur nature sur les écrans du monde entier, les producteurs attachent une importance croissante au jeu de ces derniers.
Dans mes souvenirs, il y a quelques décades, les solistes y allaient de leurs arias, mais leur jeu était souvent réduit à quelques gesticulations.
Aujourd’hui, pour répondre aux exigences de 16 millions de spectateurs, l’enjeu a changé, on saute sur les tables, on danse, on se roule par terre en extase amoureuse et on y va de pirouettes dignes du cirque du soleil, le souffle ne sert pas uniquement à chanter.
Enfin, l’écran géant demande aux spectateurs d’imaginer Anita Rachvelishvilli, la trentaine bien enveloppée, en jeune gitane et Aleksander Antonenko, quadragénaire et bien en chair, en naïf caporal adolescent fraîchement sorti des jupes de sa maman. Heureusement, la musique arrange tout.
Le hasard a fait que nous avons assisté dans la même journée à deux spectacles complètements différents, le contraste est énorme mais les deux nous ont comblés d’émotions et de joie de vivre.