Le bihoreau gris attend immobile qu’un proie passe à sa portée pour la saisir en un en éclair. C’est la première fois que nous en apercevons un en onze ans de navigation fluviale. Comme décrit dans notre encyclopédie des oiseaux, il reste immobile à notre passage, alors que le héron gris, très fréquent, s’envole toujours à l’approche du bateau.
Nous avons quitté Nevers jeudi dernier. Le canal latéral à la Loire nous a conduit jusque Decize et ensuite à Digoin où débute le Canal du Centre. Dimanche, après une courte navigation, nous amarrons le Chat Lune à Paray-le-Monial, une ville particulièrement pieuse.
C’est ici qu’en 1604, sainte Marguerite-Marie Alacoque eu la révélation du cœur du Christ. Elle est à l’origine du culte du Sacré-Cœur et dans la foulée, Paray est devenu un lieu de pèlerinage.
Ce dimanche c’est la fête de la musique. Sur le parvis de la Basilique, cinq groupes de sonneurs nous offrent un concert de fanfares de trompes de chasse à ne pas confondre avec les cors de chasse qui ne sont utilisés que dans les fanfares militaires. Le porte parole, délégué de l’association française des sonneurs de trompes de vénerie, le micro à la main, introduit de manière didactique mais bon enfant, chaque morceau en expliquant le contexte de la chasse à courre. C’est pour nous, l’occasion d’apprendre plein de choses nouvelles.
Voici un résumé de ce que j’en ai retenu.
La vénerie ou chasse à courre, se pratique en France, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. Elle est interdite en Angleterre, en Belgique et en Allemagne. L’équipage, c’est à dire l’ensemble de ceux qui cherchent et traquent la proie, est constitué d’une meute de 20 à 100 chiens accompagnés par une bonne dizaine de veneurs. Parmi eux un piqueur qui aura le privilège de tuer la proie à l’aide d’une dague, à l’issu de la chasse, si elle est fructueuse. Les armes à feu sont proscrites, la mise à mort se fait à l’arme blanche. Tout au long du parcours, les veneurs pour ponctuer les étapes, sonnent des fanfares différentes sur leurs trompes de chasses, selon les circonstances. Je cite: ‘Le « bien-aller » indique que les chiens chassent « en bonne voie », le « débucher » que la meute est en plaine et se dirige vers un autre massif forestier, le « bat-l’eau » que l’animal de chasse est dans un étang ou une rivière, la « vue » que l’animal de chasse est vu par le sonneur.’ Pour le cerf, une fanfare différente est sonnée selon le nombre de cors de son bois.
La vénerie se pratique à pied ou à cheval. On distingue la grande vénerie pour le cerf, le daim, le chevreuil ou le sanglier et la petite vénerie pour le lièvre, le renard ou le blaireau. Ce sont les chiens qui chassent, les veneurs ne font que les accompagner. Aussi, après la mise à mort de la proie, celle-ci est livrée comme récompense aux chiens qui l’ont traqué, c’est la curée. Nous découvrons tout cela au fil de la succession des fanfares. Les sonneurs nous simulent les étapes d’une chasse, du départ à l’hallali et à la sonnerie d’honneur qui est jouée pour le veneur qui s’est particulièrement distingué pendant la journée.
La deuxième partie du concert est consacrée à des fanfares de fantaisie qui ne sont pas utilisées en vénerie. Elle sont un chouïa plus longues mais tout aussi harmonieuses que celles de la chasse. Avant l’entracte, pour se reposer les lèvres, les musiciens forment une chorale et nous offrent deux chansons.
Ils portent tous l’uniforme de leur confrérie, de la redingote rouge vif à la noire, bordée d’or. Le spectacle se donne sous le soleil couchant de la première journée d’été qui peint d’une couleur dorée le fronton de la cathédrale. Le public nombreux de tout âge, nous inclus, apprécions le concert et nous rentrons au bateau le cœur et la tête plein de sonorités de vénerie.